Plaisir inattendu

Sylvie regarda son conjoint pour la troisième fois en deux minutes. Elle ouvrit la bouche, mais la referma aussitôt. Elle voulait désespérément lui parler, mais elle ne savait pas quoi dire. Depuis ces derniers mois, un froid s’était installé entre eux et le fossé semblait se creuser de plus en plus au fil des jours. Il faut dire que le départ des enfants de la maison n’avait certainement pas aidé. Ils avaient vécu beaucoup en fonction des enfants, mais avaient incontestablement négligé leur couple. Mais comment en parler à Alain, son époux depuis bientôt 20 ans ? Comment dire « Chéri, j’ai l’impression que tu ne m’aimes plus ! Tu ne me regardes plus ! » Le sentait-il seulement le malaise entre eux ? « Probablement pas, suspectait-elle. »

– Il est délicieux ton souper ce soir chérie, commenta Alain.
– Merci, répondit-elle
Et voilà, tout fut dit ! Encore une soirée qu’il faudrait passer devant la télévision à écouter se plaindre des gens qui avaient toujours un tas de problèmes.
– Écoute, commença Alain, comme tu as fait le souper, je te propose d’aller te couler un bon bain pour te détendre et moi, je ferai la vaisselle…
Sylvie resta bouche bée. Elle ne sut que répondre.
– Ok. Si tu veux…
Elle se leva incertaine et se dirigea vers la salle de bain. Qu’est-ce que ça pouvait bien vouloir dire ? Alain ne s’était jamais proposé pour faire la vaisselle. Elle devait même le menacer pour en arriver à un tel résultat généralement. Alors quelque chose de louche se paissait. Mais la suggestion tombait à pic, car elle se sentait las ce soir.

Elle opta pour une eau très chaude, avec plein de bulles à senteur de lavande.
– Je vais mettre un peu de musique, lui cria son mari au travers de la porte. Ça va m’aider à faire la vaisselle…
Un sourire étira les lèvres de Sylvie. Avec la musique, elle ne l’entendrait certainement pas rager contre un chaudron collé.

Alain jubilait. Tout allait selon son plan. Il se dépêcha de faire la vaisselle pour pouvoir passer aux choses sérieuses. Sylvie ne chignerait pas contre une casserole pas exactement étincelante. Elle ne l’avait jamais fait jusqu’à présent.

Dix minutes plus tard, la vaisselle était au lave-vaisselle et les chaudrons remis à leur place. Enfin le temps de préparer sa surprise.

Il ouvrit le placard de l’entrée avec précaution. Il ne voulait pas que Sylvie se doute de quelque chose. Il en retira un sac et commença à disperser les objets comme la dame au magasin le lui avait dit. La dame lui avait assuré que Sylvie apprécierait, mais lui avait affreusement peur qu’elle lui rit au visage et le traitant de ridicule. « Ces jeux de couple sont bon pour les jeunes, pas pour les vieux couple, avait-il répondu à la conseillère. » Elle lui avait simplement répondu qu’il n’y avait pas d’âge pour aimer sa femme, et cela avait atténué sa résistance.

Il était vrai qu’il l’aimait sa femme, mais la routine avait pris le dessus sur son couple, et l’envie de faire l’amour s’était grandement atténué. Il la désirait, et pas seulement parce qu’elle était d’une beauté quasi irréprochable, mais parce qu’elle était la femme de sa vie, son amour, son âme… Mais il y avait eu les enfants, le travail et toutes ces obligations qui font que parfois on oublie de démontrer à l’autre à quel point on l’aime.

Mais ce soir, il n’existerait plus qu’eux deux sur terre et personne d’autre.
Il se dépêcha donc de terminer les préparatifs avant que Sylvie ne sorte de la salle de bain.
Trente minutes plus tard, elle se décida enfin à quitter le bain. La vaisselle devait certainement être terminée, se disait-elle intérieurement.

Elle ouvrit la porte de la salle de bain et resta figée dans l’embrasure. La pièce était plongée dans l’obscurité à l’exception d’une chandelle allumée sur la table de la salle à manger. Une unique rose se trouvait à côté de la chandelle, ainsi qu’un petit bout de papier. Sylvie le lu : 
« Enfile ceci et suit le chemin de lumière »

Elle se tourna légèrement et remarqua une boite sur une chaise adjacente. Elle l’ouvrit avec précaution et trouva une superbe robe de chambre en voile blanche rehaussé de dentelles. Sylvie l’enfila lentement. Le contact de sa peau nu sous le tissu délicat la fit tressaillir. Elle pouvait voir au travers sa robe l’essence de ces seins blancs et cela l’excita.

« Le chemin de lumière, se dit-elle finalement, qu’est-ce que ça veut dire? » Elle regarda autour d’elle et ne vit strictement rien. Outre la lueur de la chandelle, elle ne distinguait aucune autre source de lumière. Elle se décida finalement à éteindre la bougie.

Après une minute infernale où ces yeux durent s’habituer à l’obscurité, elle distingua finalement une faible lueur en provenance de l’escalier. D’instinct, elle suivit la lumière. Celle-ci la conduisit jusqu’au milieu de l’escalier. Elle savait maintenant ce qu’elle devait faire : elle souffla la bougie. Une minute plus tard, elle put suivre la direction de la chambre d’amis, là où anciennement son fils aîné avait établi ces quartiers. Elle poussa la porte entrouverte et se figea, éblouie.

La chambre était plongée dans la pénombre à l’exception d’un chandelier à l’extrémité de la pièce. Mais il n’y avait pas que cela, le lit double avait cédé la place à un lit simple d’où un ciel de lit en tulle bourgogne couvrait une partit du lit. Quelques coussins avaient été disposés sur le sol au pied du lit. Il régnait dans la chambre une atmosphère de harem et la musique qui jouait décuplait cette sensation. Sylvie leva le regard et aperçu Alain, dans un coin de la pièce. La vue de son homme en simple sous-vêtement assez attrayant la troubla. En la voyant entrer, il s’avança lentement et lui dit doucement en désignant le lit :

– Si madame veut bien venir s’allonger sur le lit…
Mais Sylvie ne bougea pas, bouleversée par trop d’émotions. Alain ne se laissa pas désarçonné. Il s’avança vers elle, lui prit la main et l’attira vers le lit. Lentement, il lui retira sa robe de chambre. Sylvie était au comble de l’excitation. Mais il ne fallait pas céder à la tentation. La dame avait bien précisé que le but de l’expérience était de renouer le contact et pas de se payer une petite partit de jambe en l’air vite fait ! Il fallait donc se retenir et suivre le plan à la lettre.